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Comment intervenir auprès des jeunes qui adoptent des comportements dommageables?

Santé mentale adolescentsGestion des émotionsGestion des comportements
Publié le 03/06/2024
03/06/2024

Présentation de VIRAGE : cartes d’intervention pour favoriser la régulation des comportements dommageables, un outil d’intervention créé par Amélie Saucier, psychologue clinicienne, formatrice et superviseure clinique.

Comment réagir lorsqu’un jeune s’automutile, ou lorsqu’il consomme de manière inquiétante? Comment l’aider à se sortir de relations toxiques ou à risque? Comment intervenir auprès d’une personne qui s’autosabote, qui agit souvent de façon agressive ou qui fuit constamment ses responsabilités? Bref, que faire lorsqu’un jeune adopte des comportements dommageables pour sa santé physique ou mentale?

La psychologue Amélie Saucier travaille auprès de jeunes et d’adultes qui vivent des enjeux d’attachement, des traumas complexes, des troubles de la personnalité (avérés ou en devenir) et des troubles de comportement ou des conduites. Les comportements dommageables, elle connaît! Comment suggère-t-elle d’aborder cet enjeu avec les jeunes? Nous lui avons posé la question (et nous en avons profité pour lui demander de nous expliquer comment utiliser ses cartes VIRAGE)!

***

Midi30 : Amélie, quel serait le premier conseil que vous donneriez à un adulte qui souhaite aider un jeune qui adopte des comportements dommageables?

Amélie : Premièrement, je lui dirais de penser à un iceberg. En effet, les comportements dommageables représentent très souvent la partie visible d’un iceberg sous lequel se cachent une foule d’émotions difficiles à vivre, de besoins non comblés ou d’histoires relationnelles marquées par les embûches, qui peuvent influencer la façon dont le jeune fait face aux défis et aux stresseurs qui se présentent. Les comportements dommageables sont donc le symptôme visible et dérangeant d’une souffrance émotionnelle que le jeune ne sait pas comment gérer ou exprimer autrement. C’est le signe que quelque chose ne va pas.

Midi30 : Ce sont souvent des comportements qui peuvent nous faire vivre énormément d’impuissance comme adultes…

Amélie : Oui, mais, malgré cela, il est essentiel dans un premier temps d’écouter le jeune sans juger, sans sermonner et sans tenter de trouver des solutions pour apaiser notre propre impuissance. Il est utile de poser des questions ouvertes pour mieux comprendre ce que le jeune fait et pour l’amener à exprimer ce qu’il ressent et ce qu’il pense quand il a recours à ce genre de comportement. Le simple fait de nommer clairement ce qui se passe apporte déjà un certain soulagement, une détente, la libération d’un poids à l’intérieur, et cela permet à la personne de mieux se comprendre.

Ensuite, on peut essayer de cerner ce qui se passe «en-dessous» du comportement, car celui-ci peut refléter une grande intensité émotionnelle ainsi que des besoins étouffés ou ignorés dont il faut s’occuper. Quand on comprend mieux ce qui se passe, il est beaucoup plus facile de trouver des manières plus saines de combler les besoins ou d’exprimer les émotions qui sont au cœur du vécu du jeune.

Midi30 : Certaines personnes ont de la difficulté à trouver les mots pour parler d’elles, de leurs comportements et de leur souffrance. C’est la raison pour laquelle vous avez créé les cartes VIRAGE?

Amélie : Exactement. J’ai créé cet outil pour aider les adolescents et les jeunes adultes qui rencontrent des difficultés d’ordre affectif, mais aussi pour offrir un soutien concret aux parents et aux intervenants qui veulent les accompagner, les aider à mettre des mots sur ce qu’ils vivent et à amorcer une réflexion constructive.

VIRAGE, c’est un ensemble de 40 cartes conçues pour ouvrir le dialogue et susciter la réflexion. L’objectif est de favoriser une meilleure régulation des émotions difficiles et des comportements dommageables.

Midi30 : Pouvez-vous nous expliquer la manière d’utiliser les cartes?

Amélie : L’outil fonctionne en trois temps, mais il peut être utilisé de manière créative en respectant le rythme du jeune et l’approche de l’intervenant.

Une première série de cartes, celle des «Comportements dommageables», permet de décrire les comportements qui peuvent causer des problèmes, des difficultés ou même des blessures physiques ou psychologiques. Plusieurs comportements sont présentés, comme l’automutilation, la consommation excessive de substances ou de jeux vidéo, le recours à l’agressivité ou au mensonge, l’autosabotage, etc. Il y en a une douzaine en tout. Le jeune peut alors choisir la ou les cartes qui illustrent bien ce qu’il fait et lire le texte qui figure au verso de chacune d’elles afin de trouver ce qui correspond le mieux à son vécu. Il peut ensuite amorcer une réflexion sur le sens et les conséquences de ces comportements dans sa vie.

La deuxième étape consiste à explorer les cartes «Ce qui se passe pour moi». Ici, ce sont des phrases qui aident à exprimer ce que traduisent les comportements dommageables, et donc à nommer avec davantage d’acuité les émotions, les désirs, les besoins, les espoirs et les pensées du jeune qui vit des difficultés. Que disent les comportements? Que reflètent-ils? Un besoin de partir loin de ses problèmes? La nécessité de changer la douleur de place? Le souhait que l’on remarque sa souffrance? Un besoin de liberté? Plusieurs pensées sont proposées, et, encore ici, des explications plus approfondies permettent de mieux préciser les émotions et les besoins du jeune. On peut alors lui demander si ce qui est écrit correspond bien à ce qu’il ressent. Si ce n’est pas le cas, on peut évidemment lui poser davantage de questions afin d’apporter des nuances et de se rapprocher de son expérience, ou on peut explorer d’autres cartes. On peut aussi tenter diverses combinaisons en associant plusieurs cartes. Bref, l’idée consiste à formuler une ou quelques phrases qui expriment bien ce que vit la personne.

Enfin, à la troisième étape, on commence à avoir un peu de matière pour guider le jeune vers une réponse plus efficace à son besoin. On peut lui proposer une stratégie à mettre en place pour qu’il puisse répondre à ses besoins ou exprimer ses émotions de manière plus saine, par exemple. Lors de cette étape, on l’aide donc à comprendre qu’il peut changer les choses pour lui-même et que c’est en son pouvoir d’essayer de nouvelles façons de se réguler.

Midi30 : C’est de là que vient le nom de l’outil!

Amélie : Oui! Ce que l’on souhaite, c’est d’inviter le jeune à tenter un changement, et donc à amorcer un VIRAGE vers des stratégies d’autorégulation plus saines et mieux adaptées. La troisième série de cartes, les «Moyens d’autorégulation», présente différentes manières de combler les besoins ou d’exprimer les émotions et les pensées dont il a été question dans l’étape précédente. Une quinzaine de cartes présentent autant de moyens pouvant aider le jeune à s’apaiser, à s’ancrer plus solidement dans ses valeurs et à atteindre ses objectifs de vie plus efficacement. Le jeune peut alors choisir ce qu’il a envie d’essayer pour aller mieux et prendre le VIRAGE dont il a besoin.

Midi30 : Et ensuite?

Amélie : Ensuite, on observe ce qui se passe, on accompagne le jeune avec bienveillance et non-jugement, on l’aide à nommer ce qui l’habite, on accueille ses émotions, on l’encourage à développer sa responsabilisation et son autonomie face à son ressenti et à ses besoins qui prennent parfois beaucoup de place en lui… et on revient aux cartes VIRAGE au besoin!

Pour en savoir plus sur cet outil d'intervention




VIRAGE : cartes d'intervention pour favoriser la régulation des comportements dommageables