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Comment se manifestent les peurs chez les tout-petits?

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Publié le 01/10/2018
01/10/2018






Un détecteur de danger à l'origine de l'anxiété dans le cerveau





Il y a plusieurs milliers d’années de cela, l’humain vivait dans un environnement hostile et dangereux. Chaque jour, il devait être prêt à affronter des prédateurs et diverses situations qui menaçaient sa survie. Le cerveau, lorsqu’il évaluait qu’une situation était menaçante, faisait alors en sorte de déclencher le système d’alarme et de libérer des hormones de stress (dont les plus importantes sont l’adrénaline et le cortisol). La réaction en chaîne qui s’ensuivait permettait alors au cerveau et au corps de se préparer à réagir au danger, et ce, en mettant instantanément en place les mécanismes de défense primaires qui consistaient pour notre cher homme préhistorique soit à fuir (ou à éviter la situation), à attaquer ou à se figer (et donc à faire le mort).









Éviter, attaquer ou se figer


Même si les choses ont bien changé depuis la Préhistoire, l’humain possède toujours ce « détecteur de danger » conçu pour le protéger et il réagit toujours instinctivement de la même façon. Le hic, c’est que le cerveau ne fait pas la différence entre les situations réelles de danger et celles qui sont subjectives ou imaginaires. En effet, plusieurs menaces perçues par notre cerveau sont relatives et dépendent de notre interprétation de la situation. La peur de l’abandon, la peur du rejet, le fait de ne pas avoir de contrôle sur une situation, un imprévu ou encore la nouveauté sont tous des déclencheurs d’alarme, même s’ils ne menacent pas nécessairement notre survie immédiate. De plus, le danger n’a pas obligatoirement à être présent pour que notre cerveau réagisse. Le simple fait d’imaginer le danger suffit souvent à déclencher l’alarme, comme si la situation était bien réelle. Par exemple, si on écoute un film d’horreur, notre détecteur de danger se mettra en fonction, et ce, même si on est bien en sécurité dans notre salon et qu’on sait très bien qu’il s’agit d’une fiction.


Cerveau reptilien, cerveau limbique et néocortex : à chacun son rôle ! 


Le cerveau humain est extrêmement complexe et sophistiqué. Il se divise en trois parties : le cerveau reptilien (la structure la plus ancienne), le cerveau limbique et le néocortex (la structure la plus évoluée). Ces trois parties communiquent entre elles et s’influencent les unes les autres, mais elles ont chacune leurs rôles principaux.



cerveau reptilien, ceveau limbique et néocortex rôlesIllustration : Éditions Midi trente, « Pleurs, crises et opposition...et si c'était de l'anxiété», 
Nancy Doyon et Suzie Chiasson-Renaud.








Le cerveau reptilien : le petit guerrier
Le cerveau reptilien, aussi appelé cerveau primitif, constitue la partie la plus ancienne du cerveau. C’est en quelque sorte le gardien de notre sécurité et de notre survie. Il n’est pas le plus érudit, mais il réagit au quart de tour pour nous protéger et s’assurer qu’on reste en vie. Il est responsable d’assurer les fonctions vitales du corps, comme la fréquence cardiaque, la température corporelle, la respiration, etc. Il assure également la satisfaction des besoins vitaux comme l’alimentation, le sommeil, la reproduction, etc. De plus, il est responsable des réflexes innés, de l’instinct de survie et des réflexes de défense en cas de danger.
 Plus une personne se sent menacée, plus cette partie du cerveau prendra le contrôle. Par exemple, lorsque vous sursautez parce que vous avez entendu un bruit soudain, il s’agit d’une réponse de votre petit guerrier!







Le cerveau limbique : le grand sensible
Le cerveau limbique est responsable des émotions et joue également un rôle important dans la mémoire. Il renferme l’amygdale, dont nous avons parlé précédemment, ainsi que l’hippocampe (mémoire émotionnelle). Le cerveau limbique est le siège des émotions : il s’active lors de toute situation à forte charge émotionnelle, mais aussi lors d’évènements stressants ou anxiogènes. Plus une situation aura déclenché une émotion forte, plus le cerveau limbique mémorisera cette situation. Par exemple, nous nous souvenons probablement tous de ce que nous faisions le 11 septembre 2001. Lorsque les émotions sont très intenses, le cerveau limbique prend le contrôle. Il peut alors empêcher la personne d’avoir accès à la partie rationnelle de son cerveau (le néocortex). En guise d’illustration, pensons à un enfant en crise qui n’arrive pas à se contrôler ou à agir raisonnablement, car il est trop envahi par ses émotions.








Le néocortex : le rationnel
Le néocortex est la partie du cerveau la plus sophistiquée. On pourrait le comparer à un érudit ou à un intellectuel : c’est le siège du raisonnement.
 C’est cette partie du cerveau qui est responsable, entre autres, du langage, de la capacité de planifier, du jugement, de la pensée abstraite et de la capacité à évaluer les conséquences de ses actions, entre autres.







Pour schématiser, nous pourrions dire que plus une situation déclenche une émotion forte, plus le cerveau reptilien et le cerveau limbique contrôlent la réaction et plus « l’accès » au néocortex est difficile.






Dans des situations très intenses émotionnellement, c’est comme si notre partie rationnelle tombait en panne, en quelque sorte. De la même manière, lorsqu’un enfant est submergé par une émotion intense, il n’est plus en mesure de raisonner pour agir convenablement ni de s’exprimer avec des mots. Son cerveau ne lui permet tout simplement pas d’avoir accès aux habiletés que lui confèrent son néocortex, et ce, tant et aussi longtemps qu’il est envahi par ses émotions.

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Que se passe-t-il quand le détecteur de danger s’allume? 

Lorsque le cerveau détecte ce qu’il pense être une source de danger ou un risque imminent, il déclenche le système d’alarme interne. Les glandes médullosurrénales sécrètent alors de l'adrénaline. L'organisme tout entier est mobilisé pour affronter le « danger » et nous sauver.

La présence d'adrénaline dans le sang déclenche instantanément des réactions dans tout le corps :











1.

Pour combattre ou fuir la menace, il faudra solliciter grandement le cœur. Le sang quitte alors les extrémités du corps en direction du cœur pour qu’il pompe davantage, ce qui cause, entre autres, l’augmentation du rythme cardiaque, la transpiration, le refroidissement des pieds et des mains, ainsi qu’une sensation de fourmillements dans les bras et dans les jambes (on parle alors de jambes « en coton »).









2.

La respiration et le pouls s’accélèrent. Possible hyperventilation générant des étourdissements et un sentiment d’irréalité.









3.

Le sang dans le cerveau se dirige vers les cerveaux limbique et reptilien afin qu’ils « mènent le combat ». Le cerveau se met alors en état d’hypervigilance, c’est-à-dire qu’il se concentre uniquement sur l’élément anxiogène. Tout le reste est secondaire, se protéger est la priorité. Pour un tout-petit : «Ce n’est pas le temps de faire ce que maman me demande (d’ailleurs, je n’entends pas ce qu’elle me dit). Je dois me concentrer sur ce chien qui pourrait me faire mal!».









4.

Les muscles et les nerfs se tendent : « Je suis prêt à courir ou à me battre ».









5.

Puisque le système digestif nécessite de l’énergie, il arrête de fonctionner lorsque le corps est en état d’alerte. Cela peut occasionner des maux de ventre et parfois des vomissements.









Une fois que le système d’alarme s’éteint (quand le sentiment de danger s’en va)







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Le corps reste chargé d’adrénaline et de cortisol (hormones du stress) qui mettront quelques heures à se dissiper. Cela pourrait se traduire par des difficultés de concentration, de l’agitation, de l’irritabilité, voire de l’agressivité. Par exemple, il vous est peut-être arrivé d’avoir la peur de votre vie si votre enfant s’est déjà caché quelque part au centre commercial, vous donnant l’impression qu’il était disparu. Repensez à votre réaction lorsqu’il s’est montré le bout du nez en riant : la colère vous a probablement envahi malgré le soulagement, n’est-ce pas?

Il pourrait aussi ressentir des tensions ou des douleurs musculaires, des maux de tête ou des courbatures. Un peu comme s’il s’était réellement battu contre un dangereux adversaire!







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L’un des phénomènes les plus intéressants, c’est qu’après un épisode de stress intense, l’enfant aura généralement faim! En effet, le cerveau ne sait pas trop s’il s’est vraiment battu contre un tigre, s’il a véritablement dû fuir... Néanmoins, le cerveau déclenchera une sensation de faim. Il faut bien refaire ses forces après avoir affronté un danger! Et qu’est-ce que l’enfant aura envie de manger? Du sucre et du gras! Pourquoi? Parce que ces aliments procurent de l’énergie rapidement. (Eh oui, la même chose se produit également chez l’adulte!)


Une partie du cerveau peut aussi rester en hypervigilance. Pour le petit enfant, cela peut se traduire par exemple par des sursauts intempestifs et des difficultés de sommeil.







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Après une grosse frousse, il est fort possible que votre coco ressente une fatigue importante. Il se montrera alors parfois pleurnichard ou s’endormira carrément.

L’évènement peut rester imprégné dans la mémoire de l’enfant et risque de déclencher de nouveau le système d’alarme lorsqu’un autre évènement semblable surviendra.






Bien entendu, il nous est impossible de protéger nos enfants des situations stressantes. De toute façon, cela ne serait pas forcément utile, puisque chacun de ces événements l'aide à développer ses mécanismes de protection ainsi que ses capacités adaptatives. Il importe toutefois d'accompagner avec bienveillance l'enfant qui vit une situation traumatisante afin qu'il développe sa résilience et un sentiment de sécurité.


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Pour en savoir plus





https://www.miditrente.ca/fr/produit/pleurs-crises-et-opposition-chez-les-tout-petits-et-si-c-etait-de-l-anxiete




EXTRAIT DU LIVRE


À propos des auteures


Nancy Doyon


NANCY DOYON, éducatrice spécialisée, coach familial, conférencière et chroniqueuse

Nancy Doyon est éducatrice spécialisée depuis près de vingt ans auprès des enfants, des adolescents et de leurs familles. Elle a travaillé auprès de cette clientèle dans les Centres Jeunesse et dans les CLSC, ainsi que dans les CPE et les écoles primaires et secondaires de la région de Québec. Auteure, formatrice et conférencière depuis plusieurs années, elle est aussi chroniqueuse régulière dans différents médias et elle publie régulièrement des articles sur l’éducation des enfants. Site Web de l'auteure




Suzie Chiasson Renaud


Suzie CHIASSON-RENAUD, psychoéducatrice

Suzie Chiasson-Renaud est psychoéducatrice diplômée de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Son projet de maîtrise l’a amenée à s’intéresser à l’anxiété chez les enfants de 0 à 5 ans. Également formée comme coach familial, elle a oeuvré auprès des familles et dans les CPE. Elle travaille actuellement en milieu scolaire.