5 choses à savoir sur le mutisme sélectif

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Publié le 16/05/2019
16/05/2019

Texte de Geneviève Bérubé, orthopédagogue et auteure du livre « 10 questions sur le mutisme sélectif ».


1. Le mutisme sélectif n’est pas de la timidité qui finit par passer.

Dans la majorité des cas, le mutisme est un symptôme d’anxiété. Penser que le mutisme est seulement une forme de timidité est l’une des raisons qui retarde la mise en place d’interventions.

Qu’est ce qui distingue la timidité et le mutisme sélectif?


L’enfant timide peut mettre un peu de temps à s’adapter à certaines situations, mais il finit par parler. L’enfant atteint de mutisme sélectif n’y arrivera pas et l’absence de parole se poursuivra dans différentes situations, même si l’enfant s’exprime normalement à la maison.

Intervenir tôt pour diminuer les risques que l’enfant s’ancre dans un cycle d’évitement est primordial. En effet, plus l’enfant évite les situations qui le rendent inquiets de parler, plus il renforce son mutisme. Selon le psychologue Steven Kurtz, « quand on intervient entre 4 et 7 ans, 90 % des enfants guérissent » (La Presse, octobre 2017).


« Il est important de savoir que ce n’est pas une mauvaise volonté de la part de l’enfant s’il agit ainsi, mais plutôt un comportement lié à l’anxiété. »


En l’absence de soutien précoce pour remédier au mutisme sélectif, les personnes en ayant souffert « continuent souvent à avoir des problèmes de communication, ils performent moins bien à l’école ou au travail et affichent des taux plus élevés de troubles psychiatriques plus tard dans leur développement » (Remschmidt et al., 2001; Steinhausen et al., 2006, cités dans Muris et Ollendick, 2015). Ces enfants sont « plus à risque de développer un trouble anxieux généralisé, des phobies spécifiques ou une dépression majeure » (Kotrba, 2015).



« Il est primordial de faire la distinction 
entre la timidité et le mutisme sélectif. »

2. Le mutisme sélectif est un trouble de l’enfance relativement rare.

Le mutisme sélectif touche entre 0,1 % et 2,2 % des enfants. Conscientiser les gens à ce trouble permettrait de mieux le déceler et d’intervenir adéquatement.

« Le mutisme sélectif est un trouble de l’enfance relativement rare caractérisé par une incapacité persistante à parler dans des contextes spécifiques (par exemple, à l’école), alors qu’il parle normalement dans d’autres contextes (par exemple, à la maison) » (Muris et Ollendick, 2015). 

À quoi reconnaît-on le mutisme chez un enfant ?


L’enfant atteint de mutisme sélectif présente plusieurs signes observables : celui-ci est peu souriant, évite les contacts visuels, tarde à répondre de quelque façon que ce soit (de façon non verbale, par des gestes, en chuchotant…) et est très sensible à ce qui l’entoure.





Voici les critères diagnostiques selon le DSM-5 (APA, 2013) :
  • L’enfant montre un échec constant à parler dans des situations sociales spécifiques lorsqu’il y a une attente de parole, même s’il parle dans d’autres situations;
  • Le mutisme interfère avec la réussite scolaire ou avec la communication sociale;
  • La durée de la perturbation est d’au moins un mois (sans compter le premier mois d’école);
  • L’incapacité de parler n’est pas attribuable à un manque de connaissance de la langue parlée requise dans la situation sociale;
  • La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble de la communication et n’est pas exclusivement liée à un trouble du spectre autistique, à de la schizophrénie ou à un autre trouble psychotique.





3. Le mutisme sélectif est un trouble complexe.

Les causes du mutisme sélectif ne sont pas clairement explicitées dans la littérature, mais il est considéré comme un trouble complexe. Chaque enfant est différent, les facteurs de risque pour chacun le sont tout autant. Néanmoins, certains facteurs augmentent les risques de le développer.

L’environnement, le tempérament, l’hérédité, l’immigration, le bilinguisme et les troubles associés sont autant de facteurs pouvant contribuer au mutisme sélectif.

L’environnement a un effet considérable selon les interventions des personnes qui l’entourent. En effet, un adulte qui punit l’enfant pour son silence, qui répond à sa place ou qui évite de lui parler maintiendra et même renforcera le mutisme, tandis qu’une personne qui l’accompagne de façon bienveillante en lui offrant différentes possibilités d’être courageux, selon ses défis du moment, pour s’assurer qu’il vive des réussites, augmentera grandement les chances que le mutisme disparaisse graduellement. Se pencher vers un enfant mutique et lui dire doucement : « Je vois que c’est difficile pour toi de me parler, prends ton temps, je sais que tu es capable » au lieu de lui dire : « Tu es donc bien gêné! » ou « As-tu perdu ta langue? » contribuera à lui insuffler un petit brin de confiance primordial pour qu’il se mette à parler à un moment donné, que ce soit à ce moment-là ou non.

4. Il peut être possible de surmonter le mutisme sans l’intervention de spécialistes.

Instaurer des moyens d’intervention en collaboration avec le milieu scolaire peut parfois suffire à augmenter les chances que l’enfant surmonte son mutisme sélectif. Les parents et les intervenants du milieu scolaire (ou préscolaire) auraient avantage à travailler en équipe de manière à instaurer des moyens permettant à l’enfant de vivre des réussites. La préparation de l’enfant avant sa rentrée scolaire (ou préscolaire), la relation de confiance avec l’adulte ainsi que la planification des interventions graduelles à adopter selon ses besoins augmenteront les chances que l’enfant progresse. 

Miser sur les forces de l’enfant

De plus, miser sur le développement des forces de l’enfant, désensibiliser son anxiété, lui apprendre à accueillir ses émotions et à faire des messages clairs, l’aider à intégrer des techniques de relaxation et pratiquer la visualisation avec lui sont des avenues intéressantes en complément du travail fait directement sur le mutisme dans les différents milieux. Il développera ainsi des outils dont il pourra se servir tout au long de sa vie.

Si le mutisme persiste malgré tout ce qui aura été essayé, le soutien de spécialistes s’avérera alors pertinent. Par ailleurs, la médication n’est pas nécessaire dans la majorité des cas, mais lorsque les interventions ne sont pas suffisantes, il s’agit d’une option que le pédopsychiatre pourrait envisager. La prise de médication doit être vue comme un complément aux autres approches utilisées et non pas comme un traitement employé seul.

5. Intervenir tôt et de façon structurée augmente les chances que l’enfant surmonte cette difficulté.

Comme le mutisme sélectif peut interférer avec la réussite scolaire et la communication sociale, il est essentiel d’intervenir rapidement, de manière sensible et efficace.


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Pour en savoir plus :

10 questions sur...le mutisme sélectif, Geneviève Bérubé, orthopédagogue.









Geneviève Bérubé a fait ses études en orthopédagogie à l’Université de Montréal. Depuis 2004, elle travaille dans des écoles primaires auprès d’enfants en difficulté d’apprentissage. Elle est la mère de deux filles, dont l’une a souffert de mutisme pendant plusieurs années. Cet ouvrage fait état de ce qu’elle a appris pendant plus de 7 ans sur le mutisme sélectif.








Références citées dans l'article :